A notre contact, les chiens ont développé des compétences sociocognitives qui leur permettent de communiquer avec nous. Ils sont par exemple capables de distinguer différentes émotions sur nos visages. Une récente étude, menée à l’Université de Bari (Italie), a essayé de déterminer si les chiens étaient plus « sensibles » à certaines d’entre elles. Sont-ils plus « réceptifs » à un visage qui manifeste la peur, la surprise, la colère ou la tristesse ? Découvrez l’expérience mise en place.

Les recherches ont déjà montré que les canidés traitent les visages humains de la même façon que nous pouvons le faire, c’est-à-dire en analysant les traits du visage (yeux, nez, bouche essentiellement). C’est ainsi qu’ils peuvent reconnaître des visages familiers, distinguer des expressions faciales neutres ou émotionnelles et même différencier des visages heureux ou en colère. De plus, lorsqu’ils « analysent » des visages humains, les chiens, tout comme nous, ont tendance à privilégier les informations contenues dans leur champ visuel gauche. Il faut savoir, que bien qu’ils soient symétriques, les deux côtés de notre visage diffèrent dans l’expressivité émotionnelle. Des recherches ont ainsi montré que les personnes perçoivent l’hémiface gauche comme affichant des émotions plus intenses que le droit. Les muscles du côté gauche de notre visage étant principalement contrôlés par l’hémisphère cérébral droit ; ce dernier joue un rôle dominant dans l’expression des émotions, ainsi que dans leur traitement. Cette asymétrie dans le traitement des visages humains a déjà été démontrée chez les chiens.

Afin d’en savoir davantage sur le mécanisme de perception des visages humains par les chiens (et leur similitude avec nous), les chercheurs ont décidé d’utiliser les six émotions de base interculturellement reconnues listées par Ekman : peur, colère, bonheur, tristesse, surprise, dégoût. Pour ce faire, deux hommes et deux femmes ont été photographiés en exprimant chacune de ces émotions, plus une expression neutre. Ensuite, 21 chiens domestiques de différentes races ont été recrutés (12 mâles et 9 femelles ; les âges variaient de 1 à 13 ans). Chaque animal est entré dans une salle où se trouvait une gamelle avec de la nourriture. A gauche et à droite de celle-ci (à 1.90 m de distance) étaient disposés deux moniteurs sur lesquels (une fois que l’animal avait bien pris sa position centrale) ont été affichés simultanément pendant 4 secondes une même photographie. Le protocole consistait en deux essais hebdomadaires dans lesquels un maximum de deux dyades aux visages émotionnels différents étaient montrés à chaque chien.

Pour leur étude, les chercheurs ont analysé l’orientation de la tête du chien (la tournait-il à droite, à gauche ou pas du tout ?) et ils ont pris en compte le temps de latence entre le moment où les photographies apparaissaient et le moment où l’animal tournait la tête, ainsi que le temps nécessaire pour reprendre l’alimentation dans la gamelle. Le comportement global de l’animal (26 traits ont été retenus avec par exemple : oreilles tendues, queue repliée, pattes levées, gémissements, tremblement du corps, etc.) a également été étudié. Enfin, l’activité cardiaque des canidés a été enregistrée pendant au moins les 10 secondes qui ont suivi la présentation des stimuli ou jusqu’à ce que le chien ait recommencé à se nourrir.

Les résultats indiquent que les chiens tournaient la tête vers la gauche lorsque les deux écrans affichaient des visages exprimant la colère, la peur et le bonheur. Dans ces cas de figure, ils mettaient également plus de temps pour reprendre leur alimentation. Leur niveau de stress était plus élevé et leur activité cardiaque augmentait. A l’inverse, les chiens tournaient surtout la tête vers la droite à l’apparition de visages exprimant la surprise. Cette recherche renforce l’existence d’une modulation émotionnelle asymétrique du cerveau des canidés pour traiter les émotions humaines de base (comme c’est donc le cas pour nous). Les résultats sur les visages « bonheur » ne sont pas en concordance avec ceux obtenus dans de précédentes expériences. En général, chez le chien, les émotions négatives (peur, colère) sont traitées par l’hémisphère droit et les émotions positives, par le gauche. Selon les scientifiques, l’absence de stimulus auditif associé au visage « bonheur » pourrait déclencher chez l’animal (qui ne voit finalement que des dents dénudées et des lèvres levées) une réaction comportementale d’alerte (activité de l’hémisphère droit). De même, s’appuyant seulement sur l’information visuelle, les chiens interprèteraient le visage « surprise » comme une expression détendue (traitée par l’hémisphère gauche).

Notons que pour le « dégoût », aucun biais n’a été relevé (pas d’orientation préférentielle vers la gauche ou vers la droite). Cela va dans le sens de précédentes études où cette émotion apparaît nettement moins distinguable pour le chien. Les auteurs de l’étude avancent cette hypothèse : « dans la vie quotidienne, un même objet ou une même situation peut provoquer différents états émotionnels et de motivation chez les humains et les chiens. Par exemple, les excréments peuvent provoquer un état émotionnel de dégoût chez le propriétaire du chien, alors qu’au contraire, pour cet animal, ils peuvent être considérés comme attrayants ». Une précision importante effectivement !