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Biscotte ou madeleine ?

Nous l’avons vu lors du dernier billet, l’évocation d’un souvenir peut-être recherchée et consciente, mais elle est parfois involontaire et spontanée. Chacun a vécu ce type de situation dont l'exemple le plus connu est celui raconté par Marcel Proust (1871-1922) dans Du côté de chez Swann (À la recherche du temps perdu).

« Un plaisir délicieux »

Tout le monde cite cet épisode alors que peu l’ont réellement lu. Faute de vous imposer tout le texte (qui fait 1046 mots), en voici deux extraits. « …quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. » « Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. »

Comment une biscotte se transforma en madeleine !

L’expression « madeleine de Proust » est entrée dans la mémoire collective des Français et de tous les spécialistes de la mémoire. Cet épisode comporte toutefois 17 versions, et l’analyse de l’esquisse XIII révèle trois divergences avec la version finale. Tout d’abord, cette esquisse intitulée « La biscotte trempée dans le thé » indique qu’une biscotte est la révélatrice du souvenir : « Françoise pour me réchauffer me proposa de me faire du thé... Elle me l’apporta avec une petite biscotte que j’y trempai. » ou « Ce goût du thé mêlé de biscotte amollie, c’est celui que tous les matins je goûtais à Combray… » La version définitive comporte deux autres différences. Dans l’esquisse XIII, c’est sa gouvernante Françoise qui lui apporte la biscotte, alors que le texte définitif mentionne qu’il s’agit de sa mère. Enfin, la cérémonie du thé a lieu uniquement « le dimanche matin », alors que l’esquisse XIII spécifie « tous les matins ». L’esquisse XIV intitulée « La petite madeleine » consacrera la substitution de la biscotte en madeleine. Il ressort de ces trois divergences entre l’esquisse XIII et le texte final que l’anecdote fondatrice de l’évocation inattendue d’un souvenir d’enfance repose sur une tricherie mnésique, mais cela personne ne le sait.

Pourquoi une madeleine plutôt qu’une biscotte ?

L’épisode ne serait-il qu’une pure invention ? Proust aurait-il confondu biscotte et madeleine ? Non, il s’est sans doute livré à une légère escroquerie en reléguant la biscotte au fond du garde-manger au profit de la madeleine plus « plaisante » en termes littéraires. Pour essayer de le comprendre, j’ai demandé à des personnes de classer entre 1 (plaisir nul) à 5 (plaisir exceptionnel) leur sentiment lié à plusieurs aliments, parmi lesquels se trouvaient la biscotte et la madeleine. Nul ne sera surpris que la biscotte a été cotée 2,3 en moyenne alors que la madeleine se voyait attribuer une note de 4,5. Dans le registre du plaisir, la douce et moelleuse madeleine dépasse largement la sèche et piquante biscotte. Il semble que Marcel Proust en était bien conscient. Et puis, vous imaginez un conférencier dire « Et maintenant, je vais vous parler de la biscotte de Proust ! »
Source : Bernard Croisile. Tout sur la mémoire. Éditions Odile Jacob (2009).

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