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" Vous reprendrez bien une petite gélule ? "

Le Billet du Neurologue, Dr Bernard CROISILE, Mai 2019

Toute situation de santé génère des héros et des charlatans. Les séries télévisées, véritable miroir sociétal, sont remplies de héros qu’ils soient médecins, soignants, policiers ou pompiers. Paradoxalement, dans ce qu’on appelle la « vraie vie », ces professions sont de plus en plus critiquées, attaquées sur leur intégrité, voire agressées physiquement : les médecins sont de plus en plus frappés aux Urgences ou dans leurs cabinets (1 126 incidents recensés en 2018), on caillasse allègrement les forces de l’ordre et même les pompiers n’échappent pas à des actes violents. Les compétences des médecins sont en outre systématiquement remises en question par des Forums, des Blogs, des Twitters dont les fondements scientifiques ont la rigueur de la motte de beurre un jour d’été.
Le 11 février 2019, la FDA (Food and Drug Administration) a envoyé des avertissements à 17 entreprises, américaines ou internationales, vendant des compléments alimentaires avec l’affirmation publicitaire qu’ils préviennent ou traitent la maladie d’Alzheimer. La raison de l’énervement de cette remarquable institution américaine est simple, les arguments de ces entreprises sont erronés car ils ne reposent sur aucune base scientifique démontrée.

Nous adorons philtres, potions et pilules
On se souvient de ces personnages, souvent un peu rebouteux et arracheurs de dents (car il serait insultant pour les Universités d’Odontologie de les décrire comme des « dentistes »), parcourant les contrées du Far West à bord d’une carriole brinquebalante, et vendant aux villageois crédules des potions soi-disant capables de guérir TOUTES les maladies, voire quelques-unes en plus.
D’où tirons-nous cette passion pour les produits miracles ? Les Contes de fées qui ont bercé notre enfance étaient souvent remplis de philtres, potions, onguents et autres pilules dont les vertus miraculeuses enchantaient nos esprits prompts à croire au merveilleux. Mythologie et Romans de chevalerie faisaient également référence à des substances aux étonnantes propriétés : Circé fait boire un philtre d’oubli aux compagnons d’Ulysse, Siegfried boit le sang du dragon et un philtre d’amnésie, Tristan et Isolde boivent un philtre d’amour. Il nous reste sans doute au fond de notre cerveau émotionnel, qui submerge largement notre cerveau rationnel, une attirance excessive pour ces produits magiques. Que ces substances enchantent la littérature ou le cinéma, c’est distrayant, mais ceci ne doit pas interférer avec notre bon sens.
Un produit censé agir au bénéfice de la santé des personnes doit avoir apporté la preuve scientifique de son efficacité, à la suite d’expérimentations encadrées par des règles précises, complexes et rigoureuses. Or, de même que les Dragons n’existent pas (et je rappelle que Game of Thrones est une fiction, ainsi semble-t-il que Bilbo le Hobbit, ce qui m’a toujours chagriné bien évidemment), il ne faut pas croire tout ce qui circule sur Internet. Selon la FDA, ces 17 entreprises ont abusé de la crédulité des personnes, attirées par des informations issues de conclusions hâtives. Certes, la responsabilité est celle des marchands, mais ils ont « surfé » sur la naïveté de personnes qui pour le coup surfaient un peu trop sur la Toile !

La FDA est un peu « énervée »
A ma connaissance, et fort heureusement, la bave de crapaud, la semence de sanglier et les poils de zébu ne sont plus incriminés depuis longtemps. Les produits dénoncés par la FDA vont cependant de l’huile d’avocat aux vitamines de tout acabit en passant par tous les extraits végétaux possibles, souvent regroupés sous l’appellation de « suppléments nutritionnels ». Pour l’Agence américaine de santé, ces substances sont parfois dangereuses, peuvent interférer avec les prescriptions médicales et surtout inciteraient les patients à se détourner des thérapeutiques médicales à l’efficacité prouvée. Si la loi américaine autorise ces entreprises à dire que leurs produits peuvent améliorer la mémoire (ce qui me fait déjà bondir !), elles ne peuvent affirmer une quelconque efficacité pour prévenir ou guérir des maladies avérées, faute d’essais contrôlés en double aveugle contre placebo, comme cela est la règle pour tout médicament prétendant guérir ou prévenir une maladie.
La revue The Lancet Neurology déclare que les médecins ne doivent pas seulement informer les patients des traitements aux effets établis, et les aider à faire un choix justifié sur des arguments rigoureux, mais elle leur conseille de les éclairer désormais sur ces alternatives de « pseudo-médecine » qui ne reposent sur aucuns fondements scientifiques. Cette revue considère que les neurologues doivent rester vigilants face à la survenue chez leurs patients de symptômes inattendus qui pourraient relever des conséquences de ces substances miraculeuses.

De douteux syllogismes
Il est vrai qu’un certain nombre d’études ont démontré que la dénutrition aggravait la maladie d’Alzheimer. D’autres ont montré une association entre un régime déséquilibré et la survenue de cette maladie ou inversement qu’un régime méditerranéen était associé à un risque retardé. Le dérapage est celui du syllogisme habituel des charlatans : puisque le régime méditerranéen réduit le risque de démence, et puisque ce régime est riche en différentes substances, si vous avalez nos pilules à base de ces substances, vous éviterez de faire une démence.
Avec un enthousiasme quasi ésotérique, le public ignore, ou feint d’oublier, ou ceux qui le renseignent évitent de le dire ou de correctement expliquer, qu’aucune étude scientifique n’a démontré que la prise de suppléments nutritionnels guérissait ou supprimait la maladie ; c’est en général le régime, c’est-à-dire une alimentation qualifiée de méditerranéenne ou de crétoise, qui est associé à une réduction du risque (et pas à sa suppression).
Comme tous mes collègues, je souligne les avantages du régime méditerranéen dans la prévention du risque de démence et de maladie d’Alzheimer, mais mes livres, articles et conférences ne font pas la promotion de gélules aux huiles diverses, mon discours, et celui de mes collègues, est de souligner l’intérêt d’une alimentation naturelle et équilibrée. Au pire, on pourrait nous reprocher de faire de la publicité pour les épiceries et les marchés primeurs. En revanche, des entreprises, dans la mouvance de sites pseudo-santé, agitent l’intérêt des suppléments nutritionnels de toutes sortes. Ce qui explique l’ire de la FDA. Et pas seulement dans le domaine des maladies
neurodégénératives, le cancer est lui aussi l’objet de ce genre d’affirmations, puisque d’après une enquête en 2018, 39% des américains croient que le cancer ne peut être guéri que par des thérapies alternatives.

« L’Homme prévoit, et Dieu rit »
Le merveilleux le plus irrationnel envahit le champ de la communication du domaine de la Santé. Les Réseaux sociaux ne sont plus ceux du savoir établi et prouvé, mais ceux du marécage magico-émotionnel.
Le paradoxe est la façon dont notre société s’accommode de la preuve scientifique et surtout de son absence. Alors que les traitements de la maladie d’Alzheimer, dont l’utilité a été incontestablement démontrée par des dizaines d’articles sérieux, ont été dénigrés et déremboursés, d’un autre côté, une partie du grand public se précipite pour acheter des suppléments nutritionnels pour lesquels n’existe aucune preuve scientifique solide de leur efficacité. Ce qui pourrait se comprendre dans des pays peu portés sur la bonne alimentation ne manque pas d’étonner en France, patrie de la gastronomie. Franchement qui voudrait échanger un bon repas équilibré contre trois comprimés ?



Pour en savoir plus The risks of ignoring scientific evidence. The Lancet Neurology. Editorial, 18(5) May 01, 2019.
DOI:https://doi.org/10.1016/S1474-4422(19)30089-4
https://www.asco.org/sites/new-www.asco.org/files/content-files/research-and-progress/documents/2018-NCOS-Results.pdf

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