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Le syndrome de Tournesol

Le Billet du Neurologue Dr Bernard CROISILE

En 2020, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire s’est inquiétée du niveau d’inactivité physique observé chez deux-tiers des jeunes de 11 ans à 17 ans, en grande partie lié au temps d’exposition devant les écrans numériques. La sédentarité est dangereuse pour la capacité cardio-respiratoire des adolescents… et des plus âgés. Le conseil traditionnel est de pratiquer du sport.
Or, le sport peut se révéler néfaste. Le président Barack Obama avait même déclaré « Je suis un grand fan de football {américain}, mais si j’avais un fils, je ne le laisserais pas devenir joueur de foot professionnel. » En effet, il n’est jamais bon de recevoir quelque chose sur la tête, que ce soit un menhir ou un coup de poing, avec quatre conséquences possibles : la mort, des lésions cérébrales (hématomes ou contusions hémorragiques), un KO (traumatisme crânien avec perte de connaissance transitoire sans lésion cérébrale visible), un trouble de mémoire de quelques heures. C’est ce dernier point que nous allons aborder.

Paolo Maldini « contre » Chris Waddle


Un certain nombre d’amateurs sportifs se souviendront du match de football du 20 mars 1991 opposant l’Olympique de Marseille au Milan AC lors duquel Chris Waddle reçut un violent coup de coude sur la tête. Il ne perdit pas connaissance mais finit le match complètement désorienté, et c’est dans un état second qu’il marqua le but de la victoire. Il sera ensuite hospitalisé mais ne conservera aucun souvenir du match.

Les amnésies après traumatismes crâniens bénins


Elles surviennent lors de chocs violents mais bénins, souvent sans perte de connaissance. Les sportifs (car il s’agit souvent d’eux) sont un peu « sonnés », « bizarres », dans le brouillard, ils continuent parfois leur match comme des « automates ». L’épisode est caractérisé par un oubli à mesure pendant quelques heures, les sportifs ne retenant rien de ce qu’on leur dit, ni de ce qu’ils font ou vivent, ils reposent plusieurs fois la même question sans retenir la réponse. Ils ont aussi une amnésie rétrograde, c’est-à-dire un oubli temporaire des heures ou des jours précédant le match, avec parfois une reviviscence du match précédent. L’un de mes patients était persuadé que son équipe gagnait le match alors qu’elle le perdait, et ses coéquipiers ont compris qu’il revivait le match de la semaine précédente. L’imagerie cérébrale est normale. Ces sportifs conserveront une amnésie lacunaire de l’événement mais reprendront très vite leur capacité de mémorisation. Il s’agit d’une « simple » commotion, les structures cérébrales, en particulier celles de la mémorisation, ayant été ébranlées par le traumatisme, d’où le nom de Ding Dong State (que je n’ai pas besoin de traduire) ou de Concussion amnesia. Mon maître, le Pr Marc Trillet, avait baptisé ces amnésies transitoires après un traumatisme crânien léger, le syndrome de Tournesol.

Les amnésies traumatiques dans Tintin


Hergé semble avoir été fasciné par les amnésies traumatiques qu’on retrouve dans plusieurs de ses albums. Dans Objectif Lune (1953), alors qu’il essaye un scaphandre, le capitaine Haddock traite le professeur Tournesol de « zouave », ce qui déclenche chez ce dernier un monumental accès de colère au cours duquel il fait visiter à Haddock les laboratoires de recherche puis la fusée, en lui demandant si tout ceci relève du « zouave ». Malheureusement, Tournesol tombe d’une échelle et devient amnésique, il ne reconnaît plus personne et n’a aucun souvenir de son projet de voyage sur la Lune, ce qui compromet bien sûr la poursuite du programme spatial. Un médecin ostéologue, le docteur Rotule, donne quelques conseils : « Essayez de le distraire, de réveiller ses souvenirs, cela donne parfois de bons résultats… Il est possible également, qu’une émotion violente lui fasse retrouver la mémoire… » Derechef, Haddock s’évertue à faire rire ou à terroriser Tournesol, sans succès, rien ne sortant le savant de son apathie. Excédé, le capitaine le traite de nouveau de « zouave », ce qui déclenche un nouveau choc psychologique ramenant le savant à son état normal.
Dans Tintin et les Picaros, c’est le capitaine Haddock lui-même qui reçoit à l’arrière de la tête une bouteille de whisky, il devient confus, utilise la bouteille comme longue-vue en pensant être sur son bateau, trouve son nom ridicule mais permet au lecteur de découvrir enfin son prénom, Archibald. Son amnésie disparaitra après une série d’autres chocs.
Dans Le Sceptre d’Ottokar, Tintin découvre devant sa porte un inconnu évanoui, qui, à sa reprise de connaissance, se révèle confus et amnésique, ce que Tintin attribue au résultat d’un coup sur la tête.
Dans Tintin au pays de l’Or noir, un marin reçoit un coup de poing en pleine figure puis sa tête heurte violemment le sol au pied d’une échelle dont il est tombé : il tient alors des propos incohérents et fait des jeux de mots, Tintin pense qu’il a perdu la raison alors qu’il s’agit sûrement d’un état confusionnel passager.

La réalité est différente


L’amnésie vécue par ces personnages de Tintin, mais également celle du druide Panoramix qui, après un malencontreux coup de menhir ne sait plus faire la potion magique dans Le Combat des chefs, ne ressemble en rien aux amnésies observées dans la réalité après un traumatisme crânien bénin.
Les personnages de BD ont une amnésie de plusieurs jours, qui concerne des faits et des souvenirs anciens ainsi que des procédures acquises il y a longtemps. Dans la réalité, les personnes ayant un traumatisme crânien léger ont un épisode de quelques heures, caractérisé par un oubli des journées précédentes (ce qui reviendra plus tard) et surtout une incapacité à mémoriser ce qu’ils vivent ou font. Désolé de contredire les fans et le docteur Rotule, la mémoire revient naturellement, il n’y a aucun moyen « externe » de la retrouver, il est inutile de croire qu’une émotion ou un nouveau traumatisme crânien ramèneront les souvenirs à la conscience, et ceci pour une raison très simple, il est impossible de retrouver ce qui n’a jamais été enregistré puisque le traumatisme a bloqué transitoirement les systèmes de mémorisation.

Le risque des traumatismes crâniens : leur répétition !


Pourquoi l’inquiétude du président Obama évoquée en préambule ? Depuis longtemps les médecins connaissent la démence pugilistique survenant chez les boxeurs. Le monde scientifique – et sportif – est maintenant bien informé de l’encéphalopathie chronique traumatique, celle-ci est la conséquence de la répétition de traumatismes crâniens chez les sportifs (boxe, rugby, football américain) ou de l’exposition à des souffles d’explosions chez les militaires. Par exemple, les anciens internationaux de rugby ont 2,5 fois plus de risques de développer des maladies neurodégénératives, en particulier des maladies de Parkinson et d’Alzheimer.
Même s’ils peuvent entraîner des KO, ces traumatismes ne sont pas forcément graves sur le moment, malheureusement, leur répétition entraîne des lésions cérébrales qui modifient le comportement des personnes (irritabilité, dépression, lenteur cognitive) et aboutissent parfois, 20 à 30 ans plus tard, à des maladies neuro-dégénératives type maladie d’Alzheimer. Les fédérations sportives sont maintenant bien informées du risque à long terme de ces traumatismes « légers », et des mesures de suspension de quelques semaines sont conseillées ou imposées aux sportifs. On conseille également de réduire les contacts lors des entraînements.

Pour conclure


Sir Winston Churchill, que sa femme surnommait « my pug » (mon petit cochon), détestait le sport, et son rythme de vie effréné ne fit perdre 12 kg… qu’à son garde du corps. La sédentarité n’est pas bonne pour la santé, mais certains sports le sont aussi, nul ne sera donc surpris que l’on conseille d’éviter ceux qui mettent en danger l’avenir cérébral des personnes. Les sédentaires vous diront qu’on reçoit rarement un coup de coude dans son salon, mais rester sur son canapé expose à plusieurs risques cardiovasculaires et neurodégénératifs. Et Churchill a subi plusieurs infarctus coronariens et accidents vasculaires cérébraux.

Pour en savoir plus :
BHergé. Le Sceptre d’Ottokar (1947), Tintin au pays de l’Or noir (1950), Objectif Lune (1953), Tintin et les Picaros (1976).
René Goscinny et Albert Uderzo. Le Combat des chefs (1966).

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