Alors que nous la connaissons, pourquoi n’appliquons-nous pas toujours la meilleure solution ?

Pour étudier « cette tension entre faire ce que vous devriez faire, au moins d’un point de vue statistique, et faire ce qui a bien fonctionné récemment », comme l’expose Ian Krajbich, co-auteur de l’étude, il a été demandé à des participants de jouer à un simple jeu informatique dans lequel le fait de détecter et d’exploiter des modèles de trajectoire pouvait leur rapporter de l’argent.
Concrètement, les personnes (58 adultes, dont 20 femmes) devaient choisir entre deux symboles présents dans la moitié supérieure de l’écran, un placé à gauche, l’autre à droite. Ensuite, le déplacement du curseur de la souris sous une ligne (invisible à l’écran) faisait apparaitre (dans la partie inférieure de l’écran) un nouveau symbole sur lequel il fallait cliquer pour découvrir la récompense. Pour les essais suivants, les sujets remontaient leur souris au-dessus de la même ligne imaginaire (qui partageait donc l’écran en deux parties) et selon les conditions expérimentales et les choix précédemment opérés, l’un des deux symboles de départ était plus susceptible de conduire à une récompense plus ou moins importante.
Ainsi, les participants ont « joué » des dizaines de fois, ce qui a permis aux chercheurs de déterminer, en observant les mouvements de leurs souris, s’ils avaient appris un trajet préférentiel qui optimiserait leurs gains, entre ce qu’ils ont sélectionné en haut et ce qu’ils ont obtenu en bas. Par exemple, le sujet a repéré qu’en cliquant sur le symbole en haut à gauche, cela faisait apparaitre ensuite en bas à droite un symbole qui révélait la plus grande somme. A ce stade du protocole, 56 des 57 participants ont été capables de détecter le meilleur modèle ou trajet. Selon l’endroit où les sujets avaient déplacé le curseur au-dessus de la ligne, les scientifiques pouvaient prédire leurs choix.
Seulement, pour contrer ce modèle établi, les chercheurs, dans une autre partie de leur étude, ont fait en sorte que celui-ci (qui mène à la plus grosse récompense) ne fonctionne pas dans 10 à 40% des cas. L’objectif était de voir si après l’échec du trajet habituellement le plus rémunérateur, les participants s’en tiendraient malgré tout à celui-ci ou bien changeraient leurs habitudes.
Les résultats montrent que dans 20% des situations seulement, les participants ont suivi l’ancien modèle qui leur a donné les meilleures chances de succès.
Selon les auteurs, ce résultat et d’autres associés « suggèrent que nous allons souvent prendre la voie qui a fonctionné hier et ignorer les preuves de ce qui donne normalement les meilleurs résultats. » Le fait de ne pas toujours opter pour la meilleure stratégie, alors que nous la connaissons, pourrait s’expliquer par nos intuitions et nos habitudes. Sans compter qu’il « peut être difficile de juger si vous avez pris une bonne ou une mauvaise décision en vous basant uniquement sur le résultat. Nous pouvons prendre une bonne décision et simplement avoir de la malchance et avoir un mauvais résultat. Ou nous pouvons prendre une mauvaise décision et avoir de la chance et avoir un bon résultat », déclare Krajbich.
Source : Konovalov, A., Krajbich, I. « Mouse tracking reveals structure knowledge in the absence of model-based choice », in Nature Communication, avril 2020 // Site de l’Université de l’Ohio : « People may know the best decision – and not make it » - https://news.osu.edu/people-may-know-the-best-decision--and-not-make-it/