Comment le cerveau réagit-il aux chatouilles ?

De précédents travaux ont déjà montré que, lorsqu’ils sont chatouillés, les rats émettent des vocalisations ultrasoniques ; plus concrètement, ils « rient ». Ces petits cris de joie (inaudibles pour les humains) sont d’ailleurs dans la même gamme (50kHz) que ceux produits lorsque les rongeurs mangent ou se trouvent en contexte de socialisation. Les chercheurs ont donc chatouillé les rats à l’aide d’un microphone spécialisé et constaté, que les vocalisations variaient selon la partie du corps ciblée. Ainsi, tout comme nous, les rats sont plus sensibles aux chatouilles au niveau du ventre et des pieds. Outre ce point commun, qu’ont observé les scientifiques ?
Les rongeurs apprécient les chatouilles, puisque qu’ils les réclament (lorsque les chercheurs les stoppent), en suivant le microphone (que les chercheurs éloignent volontairement) pour en avoir davantage. Dans certains cas, ils sautent assurément de joie après avoir été chatouillés ; un comportement connu sous le terme allemand de « Freudenspünge ».
Afin d’en savoir davantage sur le corrélat neuronal du chatouillement, l’équipe s’est focalisée sur le cortex somatosensoriel. Dans cette région du cerveau dédiée aux stimulations physiques (comme le toucher), chaque partie s’active en fonction de la zone du corps. Par conséquent, celle qui correspond au tronc des rats s’est activée en réponse aux chatouilles sur le ventre ou le dos. Les chercheurs ont aussi directement stimulé cette région et les rongeurs ont émis les mêmes rires sans être chatouillés. De plus, ils ont également observé que le cortex somatosensoriel s’activait quand les rats « jouaient ». Enfin, les rats anxieux se sont avérés beaucoup moins chatouilleux que leurs homologues plus détendus.
Ainsi, le cortex somatosensoriel est une structure du cerveau non seulement tactile, et il semble impliqué dans la génération du rire lui-même. Enfin, puisqu’être chatouilleux motiverait la socialisation, méditons ce plaidoyer pour le chatouillement issu d’une étude publiée en 2004 (Laughing, Tickling, and the Evolution of Speech and Self) :
« Les chatouilles nous lient ensemble, dans un rire rempli d’échange qui peut être la base de tout jeu social. Considérons la chorégraphie sociale des chatouilles. […] Pour les nourrissons qui ne peuvent pas encore parler, être chatouillé, avec le rire associé, est une entrée dans les relations sociales avec ceux qui lui fournissent des soins. Les rires signalent : “j’aime ça, recommence !“, le repoussement et les cris signalent à l’autre personne que le jeu est allé trop loin» (Robert R. Provine, 2004).
Source : S. Ishiyama et M. Brecht, Neural correlates of ticklishness in the rat somatosensory cortex, in Sciences vol.34, nov. 2016.