Comment un homme tétraplégique a-t-il repris le contrôle de sa main ?

Quand il s’est brisé la nuque en plongeant dans une eau peu profonde, Ian Burkhart était étudiant. Il avait 18 ans et cet accident l’a laissé tétraplégique. Lorsque l’équipe de Chad E. Bouton de l’Institut Feinstein pour la Recherche médicale, aux Etats-Unis, lui propose de participer à une étude visant à restaurer ses fonctions motrices perdues, le jeune homme n’hésite pas une seconde. En avril 2014 (deux ans après son accident), des neurochirurgiens lui ont implanté une puce (moins grosse qu’un petit pois) dans le cortex moteur du cerveau. Celle-ci renferme 96 mini-électrodes qui enregistrent les signaux électriques émis par les neurones, qui sont ensuite décodés par un ordinateur (via un câble qui le relie à l’arrière de la tête de Ian Burkhart). Les données sont alors transmises (en moins d’un dixième de seconde) aux muscles paralysés grâce à un bracelet d’électrodes placé autour du poignet. Le jeune homme n’a alors plus qu’à penser aux gestes qu’il souhaite effectuer pour mettre ses muscles en marche. Ce système, appelé Neurolife a été mis au point par l’Institut Batelle (Ohio, Etats-Unis) en collaboration avec l’Université de l’Ohio.
Si deux mois seulement après l’implantation de sa puce, Ian Burkhart est déjà en mesure d’ouvrir et de fermer sa main, simplement en pensant aux mouvements, il lui aura fallu s’entraîner durement pendant quinze mois (au rythme de trois séances hebdomadaires) pour « contrôler » les informations envoyées par le cerveau et pour réveiller ses muscles atrophiés. Aujourd’hui, il parvient à bouger ses doigts, sa main, son poignet et son bras, ce qui lui permet, par exemple, de tenir un téléphone, de se servir un verre d’eau ou encore jouer à Guitar Heroes (un jeu vidéo) !
« Pour la première fois, nous avons montré qu’une personne tétraplégique peut améliorer ses capacités motrices et ses mouvements des mains », a annoncé C. E. Bouton, responsable de cette recherche, lors d’une conférence de presse. Cette réussite montre que l’approche de la « dérivation », où il s’agit de rétablir la connexion entre le cerveau et les muscles sans passer par la moelle épinière, mérite d’être approfondie. Il s’agit notamment d’aller vers des mouvements plus complexes pour aider les personnes paralysées à retrouver le contrôle de leur corps. De plus, les chercheurs tentent de développer un système sans fil capable de connecter les pensées des patients, sans que ceux-ci soient encombrés avec des câbles aujourd’hui encore nécessaires. Cela améliorerait fortement l’autonomie des personnes, qui pourraient profiter de ce système chez eux ou à l’extérieur, et pas uniquement à l’hôpital.
Dans quelques mois, quatre autres patients vont bénéficier de la technologie Neurolife, dans le cadre de nouveaux essais cliniques.
Source : Chad E. Bouton et coll., Restoring cortical control of functional movement in a human with quadriplegia, in Nature, 13-04-2016.