Des images subliminales pour vaincre nos phobies ?

L’équipe de chercheurs, dirigée par Bradley S. Petersen (directeur de l’Institut pour l’esprit en développement, à l’hôpital pour enfants de Los Angeles) et Paul Siegel (professeur agrégé de psychologie, à Purchase College de l’Université de New York) avait pour objectif d’étudier les bases neuronales des effets d’adaptation à l’exposition d’images subliminales. Pour leur expérience, ils ont recruté 42 jeunes participantes (M = 19.7 ans), dont la moitié avait la phobie des araignées. Mais pourquoi n’ont-ils sélectionné que des femmes ? Selon les auteurs de l’étude, publiée dans la revue Human Brain Mapping, des recherches antérieures ont montré que 75%-80% des arachnophobes sont des femmes. Outre une entrevue et un questionnaire, les sujets ont été confrontées à un test d’évitement comportemental, dans lequel elles ont été invitées à se rapprocher progressivement d’une (vraie) tarentule. Ensuite, toutes les participantes ont visionné des séries d’images sous trois modalités : la visualisation d’images de contrôle (fleurs) non associées à la phobie et une autre visualisation avec cette fois-ci des images (d’araignées) associées à la phobie. Pour cette condition, il y avait deux temps d’exposition différents : très brefs (33.4 ms - sans possibilité de prise de conscience de ce qui est représenté) et plus longs (117 ms - contenu de l’image clairement identifiable). Durant toute cette expérimentation, les chercheurs ont observé l’activité cérébrale des jeunes femmes à l’aide de l’IRM fonctionnelle. Qu’ont-ils alors constaté ?
Chez les participantes arachnophobes, l’exposition aux images subliminales d’araignées (temps d’exposition très brefs) a activé fortement les régions du cerveau impliquées dans le traitement de la peur immédiate (ce qui était attendu), mais aussi celles qui régulent les réponses liées à la peur (comportement, émotions, etc.) ; à savoir le cortex frontal et le noyau caudé. Cela signifie que ces jeunes femmes ont eu peur … mais sans s’en rendre compte ! A l’inverse, lorsque les mêmes sujets ont clairement eu le temps de visualiser les images d’araignées, elles ont « vécu » une expérience consciente de la peur ; leur cortex frontal et leur noyau caudé ayant été moins actifs que précédemment, ce qui a entraîné un manque de contrôle de la peur. Ainsi, les images subliminales d’araignées permettraient au cerveau de « réguler » la phobie.
En conclusion, Paul Siegel explique que « de manière contre-intuitive, ces travaux montrent que le cerveau est davantage en mesure de traiter les stimuli liés à la peur, lorsque l'objet de la phobie est présenté de manière inconsciente ». Toujours selon lui : « les personnes atteintes d'une phobie pourraient être mieux préparées à faire face à leurs craintes si elles sont exposées au préalable et de manière inconsciente à l'objet qui les provoque. » Voilà une piste intéressante de thérapie pour les troubles anxieux.
Source : P. Siegel, R. Warren, Z. Wang, J. Yang, D. Cohen, J.F. Anderson, L. Murray, B.S. Peterson, « Less is more : neural activity during very brief and clearly visible exposure to phobic stimuli », in Human Brain Mapping, 06 février 2017.