Et si notre cerveau s'apparentait à une colonie d'abeilles ?

Une colonie d’abeilles mellifères fonctionne comme un ensemble homogène et chacun de ses membres ne peut survivre par lui-même. C’est cette spécificité, que l’on retrouve également chez les fourmis, qui a intrigué les scientifiques, et plus spécifiquement, ceux qui s’intéressent à la psychophysique. Cette science étudie les liens entre les faits physiques et les sensations qui en résultent et essaie d’établir des lois de relations fonctionnelles entre le corps et l’esprit.
L’équipe de chercheurs a mis en évidence un modèle théorique sur la manière dont les abeilles décident où construire leur nid. En effet, au printemps, la reine quitte son nid avec des milliers d’abeilles. Une partie de l’essaim la protège, tandis que l’autre partie détermine le meilleur emplacement possible pour la nidification. Cette prise de décision est très organisée : des abeilles explorent l’environnement et après avoir localisé un site potentiel, elles reviennent à l’essaim pour recruter d’autres éclaireuses, en communiquant avec ce que l’on nomme la danse des abeilles. Au final, la colonie se décide en suivant trois lois psychophysiques qui s’appliquent pareillement au cerveau humain engagé lui-aussi dans une prise de décision.
La première loi, celle de Piéron, indique que nous nous décidons plus rapidement si les deux options qui s’offrent à nous sont de haute qualité. Sur ce point, Andreagiovanni Reina et ses collègues ont montré que la colonie d’abeilles est effectivement plus prompte à trancher entre deux endroits de nidification si ceux-ci sont très convenables, comparés à deux sites de mauvaise qualité. La deuxième, la loi de Hicks, constate que plus le nombre de possibilités augmente, plus la prise de décision est lente. Dans leur étude, les chercheurs ont aussi observé que plus les alternatives étaient nombreuses, plus les abeilles étaient lentes pour choisir un lieu pour construire leur nid. Quant à la troisième loi, celle de Weber, elle explique qu’il existe une relation linéaire entre notre prise de décision et les différences de qualités minimales entre toutes les options disponibles. Concrètement, cette loi indique que moins une différence est remarquable, plus la décision est facile à prendre.
Pour conclure, observer les abeilles nous éclaire sur les mécanismes qui régissent notre processus de décision. Cette étude devrait permettre aux scientifiques de mieux comprendre les principes de base qui génèrent les lois psychophysiques que nous venons de présenter, notamment parce que selon A. Reina : « étudier le mode de sélection du nid chez les abeilles est plus simple que d’étudier les neurones dans un cerveau engagé dans une prise de décision ». Et les synergies de recherche entre les neurosciences et les études d’intelligence collective pourraient aider à mieux comprendre encore ces mécanismes…
Source : Andreagiovanni Reina, Thomas Bose, Vito Trianni, James AR Marshall, « Psychophysical Laws and the Superorganism », in Scientific Reports, mars 2018