Le cerveau des bilingues est-il plus performant ?

De nombreuses études ont démontré les avantages d’être bilingue ou plurilingue, notamment l’augmentation de l’efficacité fonctionnelle chez les personnes âgées et la réduction des interférences (informations non pertinentes) dans la vie quotidienne. La tâche Simon a souvent été utilisée pour comparer les mécanismes de contrôle de l’interférence chez les bilingues et les monolingues. En quoi consiste-t-elle ?
La tâche Simon
Vous êtes devant un écran d’ordinateur sur un des côtés duquel un carré de couleur apparaît. Il faut appuyer le plus rapidement possible sur le bouton-réponse droit ou gauche selon la couleur du carré (par exemple, à gauche lorsque le carré est bleu, et à droite lorsque le carré est jaune). Mais un deuxième stimulus va venir compliquer l’activité puisque le carré va apparaître soit à droite, soit à gauche de l’écran. Vous êtes alors plongé dans une situation de double tâche, parce que la localisation du carré active la voie rapide et automatique (impulsive), alors que la couleur active la voie lente et contrôlée. Et il y aura interférence, lorsque la couleur du carré se trouvera du côté opposé où la figure apparaîtra sur l’écran. Dans cette situation de conflit, vous devrez inhiber la voie automatique pour répondre correctement, grâce à l’activation de la voie volontaire.
Il a déjà été démontré que pour cette tâche, les temps de réponse sont plus courts chez des bilingues que chez les monolingues, et cela est d’autant plus notable chez les seniors. La présente étude, parue dans Journal of Neurolinguistics, a pour but de révéler les réseaux neurofonctionnels qui caractérisent le comportement des participants lors de cette tâche Simon. Les scientifiques ont ainsi étudié les données IRM de tous les participants à l’expérience ; c’est-à-dire dix monolingues français (M = 74.5 ans ; 4 hommes) et 10 bilingues français-anglais (M = 74.2 ans ; 4 hommes), avec des niveaux d’éducation similaires. Les sujets ont eu une séance pour se familiariser avec la tâche Simon (avec le carré positionné au centre de l’écran), puis ils ont effectué le test, qui comportaient 30 stimuli congruents (positionnement du carré correspond à la bonne couleur) et 30 autres non congruents (situation de conflit). Chaque réponse devait intervenir en 2 secondes maximum.
Les chercheurs ont alors découvert que chez les monolingues, un large circuit de neurones était activé avec des connexions multiples dans plusieurs zones du cerveau impliquées dans les fonctions motrices, exécutives, le traitement visuel et le contrôle des interférences. En revanche, chez les bilingues, c’est un circuit plus réduit avec une plus grande connectivité dans le sillon temporal inférieur (qui intervient dans le traitement visuel) qui a été observé. Ainsi, par rapport au cerveau monolingue, le cerveau bilingue résout les situations de conflit de façon plus « économique » et plus efficace, en allouant moins de régions du cerveau mais avec une plus grande connectivité dans celles qui sont plus à même de résoudre la tâche.
En conclusion, cette économie en ressources développée chez les bilingues pourrait expliquer leur meilleure performance, voire une meilleure résistance aux signes du vieillissement cérébral.
Source : Berroir, P., et al., « Interference control at the response level: Functional networks reveal higher efficiency in the bilingual brain », in Journal of Neurolinguistics, oct. 2016.