Le GPS nuit-il à notre cerveau ?

Tout d’abord, c’est en 2014 qu’une équipe composée de trois chercheurs (Edvard et May-Britt Moser, John O’Keefe) a mis en lumière l’existence d’un système de repérage et de navigation dans le cerveau humain. Leur recherche a démontré que des cellules de l’hippocampe aidaient les animaux à enregistrer des informations spatiales pour s’orienter. Et c’est en se conjuguant avec le cortex préfontal (qui intervient pour la planification et la prise de décision) qu’elles constituent ce « GPS cérébral », découverte qui a valu aux trois scientifiques le Prix Nobel de médecine.
La présente recherche menée à l’University College de Londres avait pour objectif d’étudier l’activité de ce « GPS cérébral » lorsqu’une personne était assistée par un GPS pour s’orienter. Les scientifiques ont alors recruté 24 participants (11 femmes ; âge moyen = 26.25 ans) qui ont dû apprendre à se repérer dans le quartier londonien de Soho. Celui-ci a été choisi comme zone de test en raison de sa grande densité de rues (26) et de nombreux endroits distincts comme les pubs et les boutiques. Selon les modalités de l’expérience, les sujets devaient rejoindre une destination particulière en se repérant par eux-mêmes, ou bien avec l’aide d’un GPS. Comment l’expérience s’est-elle déroulée concrètement ? Les participants ont visionné un film qui parfois était stoppé ; ils devaient alors planifier le trajet pour rejoindre une destination en indiquant à chaque carrefour s’il fallait tourner à gauche ou à droite. Dix essais et trois parcours ont été définis et filmés dans Soho pour être utilisés dans l’expérience. Durant tout le protocole, l’activité cérébrale était mesurée avec une IRM fonctionnelle.
Les résultats démontrent que lorsque les participants ne bénéficiaient pas de l’aide d’un GPS et qu’ils devaient donc s’orienter par eux-mêmes, l’activité de l’hippocampe et du cortex préfontal était élevée et augmentait en fonction du nombre d’options à choisir. Ainsi, l’arrivée dans de nouvelles rues s’accompagnait de pointes d’activité du « GPS cérébral ». En revanche, celui-ci n’était pas aussi actif, voire ne réagissait plus, lorsque les participants suivaient les instructions d’un système de navigation pour s’orienter. Selon Hugo Spiers, co-auteur de l’étude : « les résultats s’accordent avec des modèles dans lesquels l’hippocampe simule des parcours sur des chemins possibles futurs, tandis que le cortex préfontal nous aide à planifier ceux qui nous mèneront à destination. Quand nous avons la technologie pour nous aider, le cerveau ne réagit pas au réseau de rues. »
Cette recherche soulève ainsi la question du devenir de notre sens de l’orientation …
Source : Amir-Homayoun Javadi, Beatrix Emo, Lorelei R. Howard, Fiona E. Zisch, Yichao Yu, Rebecca Knight, Joao Pinelo Silva & Hugo J. Spiers, « « Hippocampal and prefrontal processing of network topology to simulate the future, in Nature Communication 8, 21 mars 2017.