Les corbeaux sont-ils des MacGyver en puissance ?

Des études antérieures ont déjà montré que les corbeaux avaient des compétences de planification assez élaborées pour leur permettre de résoudre des énigmes à plusieurs étapes ou encore d’utiliser un outil (un bâton) pour obtenir de la nourriture. La présente recherche avait pour but d’observer si ces oiseaux étaient capables de construire eux-mêmes un objet qui leur servirait d’outil pour récupérer de la nourriture. Les scientifiques ont convié 8 corbeaux calédoniens (4 femelles et 4 mâles, âgés de 3 ans au minimum) à un protocole en plusieurs parties.
Ils les ont tout d’abord confrontés à un casse-tête inédit, qu’ils devaient résoudre pour obtenir de la nourriture. Il s’agissait d’un récipient transparent avec une fente étroite sur l’un des côtés. Autour de cette boite, des bâtons étaient éparpillés. En peu de temps, et sans difficulté, les oiseaux ont compris qu’il suffisait d’insérer un de ces bâtons dans la fente afin de pousser l’aliment vers une ouverture située sur un autre côté de la boite. Dans cette première étape de familiarisation, tous les bâtons étaient suffisamment longs pour être opérationnels.
Ensuite, dans un premier test de construction, les bâtons ont été remplacés par deux éléments cylindriques trop courts pour atteindre la nourriture. Reste que ceux-ci (des réservoirs et des pistons de seringues démontés) pouvaient être assemblés. Certains étaient disposés sur un panneau de bois pour faciliter l’emboitement. Parmi les 8 corbeaux, Tumulte, Tabou, Mango et Jungle, ont réussi à insérer avec succès le piston dans le réservoir assez rapidement (moins de 4-6 minutes), puis ont transporté leur outil jusqu’à la boite renfermant la nourriture. Point important : ils ont réalisé cet assemblage sans apprentissage apparent par essais-erreurs. Ils ont ensuite eu le droit de passer à la troisième phase du protocole (celle du transfert) où on leur a fourni de nouveaux matériaux (des cure-pipes, des pailles), dont certains étaient disposés sur le panneau de bois et d’autres sur le sol de manière aléatoire. Avec un maximum de deux tentatives et en moins de 5 minutes, nos 4 corbeaux sont à nouveau parvenus à construire un outil pour récupérer la nourriture. Dans l’ultime test, les scientifiques ont rendu la tâche plus difficile encore en présentant des pièces combinables plus courtes (si bien qu’un assemblage de 2 pièces ne suffisait pas pour récupérer le butin culinaire). Un seul individu, Mango, a créé et utilisé à plusieurs reprises un outil composé de 3 voire 4 éléments.
Il faut mesurer l’exploit accompli par ces corvidés, puisque selon les auteurs : « cette construction d’outil multi-composants nécessitait dextérité et persévérance. […] Et ce qui est remarquable, c’est que les corbeaux n’ont pas reçu d’aide ou de formation pour faire ces associations, ils l’ont compris par eux-mêmes. » Alors que les processus mentaux qui ont permis aux corbeaux de construire un outil ne sont pas clairement établis, leur capacité à élaborer un outil est incroyable et dépasse même les preuves actuelles de cette capacité chez les primates non humains (qui ont bénéficié d’une démonstration ou qui se sont limités à un outil en deux parties).
Par ailleurs, notons que chez les humains, les enfants commencent à fabriquer des outils (pour résoudre un problème) seulement à partir de 5 ans. Mais pour MacGyver, cela a sans doute commencé bien plus tôt …
Source : A.M.P. von Bayern, S. Danel, A.M.I. Auersperg, B. Mioduszewska, A. Kacelnik, « Compound tool construction by New Caledonian crows », in Scientific Reports, vol.8, oct. 2018.