Les rires enregistrés sont-ils réellement efficaces ?

Comme le rappellent les auteurs de l’étude, à l’origine, les rires enregistrés (en direct ou préenregistrés) ont été introduits pour « indiquer » aux auditeurs et téléspectateurs que les émissions étaient humoristiques et pour créer avec eux une connivence (ils devaient se sentir partie intégrante d’un public). Peut-être faites-vous partie des personnes qui ne supportent pas ces rires enregistrés dans les émissions ou les séries TV ? Cette manière de vous enjoindre à rire vous insupporte ? Sophie Scott et ses collègues de L’institut des Neurosciences cognitives de l’University College London ont émis l’hypothèse que la présence et la nature du rire pourrait influer implicitement sur le degré de drôlerie d’une blague. Si tel était le cas, l’ajout du rire et du genre de rire pourrait moduler l’évaluation des plaisanteries.
Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont volontairement piocher dans ce qu’ils nomment des « blagues à papa », c’est-à-dire des blagues plutôt moyennes, voire très faibles, afin d’éviter les effets de plafonnement. Un nouvel exemple ? Pourquoi les chats sont-ils bons aux jeux vidéo ? Parce qu’ils ont neuf vies ! [rires ?].
Tout d’abord, les scientifiques ont établi des moyennes de drôlerie aux 40 « blagues à papa », enregistrées pour l’expérience par un comédien professionnel, en demandant à un groupe de 20 personnes de les évaluer. Il s’agissait de leur attribuer une note comprise entre 1 (pas drôle) et 7 (hilarante). Ensuite, deux autres groupes de participants ont été sollicités : un groupe neurotypique (48 sujets, moyenne âge : 32.9 ans ; 24 femmes) et un groupe autiste (24 sujets, moyenne âge : 34.9 ans ; 26 femmes). Deux versions enregistrées des blagues ont été créées : l’une avec un ajout de rire en conserve et l’autre avec ajout de rire spontané (ou réel). Deux séries de blagues avec rires artificiels vs rires spontanés ont été proposées de sorte que tous les participants n’évaluent chaque blague qu’une seule fois.
Les résultats indiquent que l’ajout de rires a augmenté la perception de drôlerie des blagues. Chez les adultes neurotypiques, il existe une différence significative entre les évaluations initiales et les évaluations avec rires enregistrés (quels que soient leurs types). L’augmentation du degré d’humour est cependant modulée par la nature du rire ajouté, puisque les rires spontanés ont conduit les participants des deux groupes à juger une blague plus drôle que si elle était suivie d’un rire préfabriqué. Cela laisse entendre que le rire serait implicitement traité par tous les sujets ; pas seulement sa présence, mais aussi le genre de rire.
La seule différence entre les deux groupes est que les personnes autistes ont noté les blagues avec rires ajoutés plus généreusement que les personnes neurotypiques. Selon les auteurs, cela pourrait s’expliquer par le fait que ces dernières seraient plus conscientes que ces « blagues à papa » sont considérées comme enfantines et ringardes, alors que les adultes autistes y seraient plus réceptifs. Le professeur Scott et ses collègues ajoutent que : « nos données suggèrent que le rire peut également influer sur le degré de perception de la comédie, et que les personnes atteintes d’autisme sont tout aussi sensibles à cet effet. » Les chercheurs espèrent prochainement explorer la façon dont le rire influence la perception de la plaisanterie dans le cerveau.
Pour clore cet article, j’en tente une dernière : Quel est le légume le plus fort en Kung Fu ? Le Broc-Lee Toujours pas ? Alors allez jeter un œil sur les 37 autres, elles sont tout aussi drôles… ou pas !
Source : Qing Cai, Sinead Chen, Sarah J. White, Sophie K. Scott, « Modulation of humor ratings of bad jokes by other people’s laughter », in Current Biology, juillet 2019 // Site de l’University College London : Canned laughter works, finds UCL-led study of ‘dad jokes - https://www.ucl.ac.uk/news/2019/jul/canned-laughter-works-finds-ucl-led-study-dad-jokes