Se montrer généreux rend-il plus heureux ?

Parmi les études qui ont cherché à élucider les motifs d’un comportement généreux, c’est sans conteste celles en psychologie qui, depuis les années 2000, ont avancé l’hypothèse la plus intéressante : et si l’altruisme, la générosité, nous rendait heureux ? Reste que si l’émotion positive que peut procurer un comportement généreux représente une motivation évidente, aucun mécanisme neuronal reliant la générosité au bonheur n’avait été mis en évidence et étudié. C’est chose faite par l’équipe conduite par Soyoung Q. Park qui a mis au point un protocole expérimental qui devait induire un comportement généreux.
Pour commencer, ils ont accueilli des volontaires dans leur laboratoire qui ont tous complété un questionnaire subjectif d’évaluation du bonheur. Puis, ils ont été répartis (au hasard) soit dans le groupe expérimental, soit dans le groupe témoin. Les 50 participants (11 hommes, moyenne d’âge = 25.6 ans) ont tous été informés qu’ils allaient recevoir chacun 25 francs suisses (environ 23 euros) par semaine pendant un mois. Ceux du groupe expérimental ont dû s’engager à dépenser cet argent au profit d’autres personnes de leur choix (par exemple, leur offrir des cadeaux ou les inviter à dîner) ; alors que ceux du groupe témoin, ont dû s’engager à dépenser leur argent « égoïstement ». Dans les deux cas, tous les participants ont été invités à écrire de quelle(s) manière(s) ils envisageaient de dépenser l’argent.
Ensuite, alors que l’activité de son cerveau était mesurée à l’aide de l’IRMf, chaque sujet a été soumis à une tâche de prise de décision, dans laquelle il pouvait se comporter plus ou moins généreusement. Concrètement, chaque participant a sélectionné une personne à qui il voulait offrir un cadeau (pour le groupe expérimental, cette personne ne devait pas faire partie des futurs bénéficiaires des 23 euros hebdomadaire). Et plusieurs questions avec des options lui ont alors été soumises, comme par exemple : pour pouvoir donner un cadeau d'une valeur de 18 francs suisses, acceptez-vous de payer le prix de 25 francs suisses ?
Les scientifiques ont émis les hypothèses suivantes : les sujets du groupe expérimental se comporteraient de façon plus généreuse et se déclareraient plus heureux que ceux du groupe témoin ; et des interactions fonctionnelles entre les régions cérébrales liées à un comportement généreux (la jonction temporo-pariétale, TPJ) et celles liées au bonheur (le striatum ventral) seraient observées.
Les résultats confirment ces hypothèses dans la mesure où avant même que le don ne soit effectué, le groupe qui s’était engagé à faire profiter les autres de leur argent, a déclaré un niveau de bonheur plus élevé et s’est également montré plus généreux dans la phase de test à options. Durant celle-ci, des décisions généreuses activent davantage la TPJ dans le groupe expérimental que dans le groupe témoin et modulent différemment la connectivité entre elle et le striatum ventral. L’étude met donc bien en lumière l’association générosité-bonheur dans le cerveau.
Et si le bonheur qu’elle engendre motivait la générosité ?
Source : Soyoung Q. Park, Thorsten Kahnt, Azade Dogan, Sabrina Strang, Ernst Fehr & Philippe N. Tobler, « A neural link between generosity and happiness », in Nature Communications 8, juillet 2017.