Un conseil improbable pour mieux mentir ...

La vie en société repose en partie sur notre faculté à ne pas céder à nos envies, nos instincts, et au contraire, à retenir diverses pensées, sentiments, comportements. Le siège de ces inhibitions sociales (le self-control) est principalement localisé dans notre cortex frontal inférieur droit. Des travaux en psychologie cognitive ont démontré une augmentation de l'activité cérébrale dans cette zone cérébrale lorsque nous mentons. Mentir nécessite un effort mental plus important que pour dire la vérité, parce qu'il faut retenir des pensées automatiques (en rapport avec la vérité), mais aussi surveiller son propre comportement en même temps que celui de son interlocuteur.
Dans les années 2000, des expériences ont suggéré qu'une inhibition motrice (se retenir d'uriner, déjà) pouvait renforcer une inhibition émotionnelle. Récemment, une nouvelle étude publiée dans Consciousness and Cognition, conduite par l'équipe d'Iris Blandon-Gitlin de l'Université d'Etat de Californie sur le lien entre l'envie d'uriner et l'inhibition a été réalisée. Décrivons-là simplement.
11 participants devaient boire cinq grands verres d’eau (700 ml) et 11 autres cinq petites gorgées (50 ml). 45 minutes plus tard, ils ont été interrogés. Les questions traitaient de faits sociétaux et moraux (notamment sur la peine de mort, le contrôle des armes à feu, les droits des homosexuels). Les chercheurs ont sélectionné deux opinions auxquelles adhérait fortement chacun des sujets interrogés et sur lesquelles ils devaient donc mentir. Tous les participants étaient filmés durant leurs réponses pour noter les indices comportementaux liés au mensonge. Deux sessions d'observations ont donné les mêmes résultats : chez les menteurs pressés d'aller soulager leur vessie, ont été constatés moins d'indices comportementaux du mensonge, un plus grand contrôle cognitif, ainsi que des récits plus longs et plus complexes. Les menteurs à la vessie pleine sont apparus plus confiants, plus spontanés, plus sincères que les menteurs à la vessie vide. L'expérience a montré qu'il était plus difficile de détecter la tromperie chez un sujet à la vessie pleine que chez un sujet qui n'avait pas besoin de se retenir d'uriner.
Evidemment, l'étude implique trop peu de sujets pour considérer déjà comme un fait scientifique ce que les psychologues nomment "le contrôle sur la vessie" (ISE : inhibitory spillover effect) ; à savoir que nos efforts pour contenir notre vessie, améliorerait nos diverses capacités d'inhibitions sociales et nous permettrait de mentir plus efficacement.
Malgré ces précautions scientifiques, certaines professions s'intéresseraient de près à ces recherches ...
Source : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053810015300301