Une retraite "tardive" serait-elle le secret d'une vie plus longue ?

En équipe avec les professeurs Robert Stawski et Michelle Odden (Université de l’Oregon), ainsi que Gwenith Fisher (Université du Colorado), C. Wu a pris appui sur une enquête longitudinale (réalisée de 1992 à 2010) sur la santé et la retraite. Celle-ci a été effectuée auprès 2956 américains âgés de 50 ans et plus. Dans cette cohorte, la majorité des sujets ont pris leur retraite autour de 65 ans. Appuyé par une analyse statistique, le point fort qui ressort de la recherche est le suivant : chez les personnes qui ont cessé leur activité un peu plus tard, à 66 ans, le taux de mortalité baisse de 11% !
Cette relation entre un départ à la retraite « différé » et une espérance de vie plus grande n’a été affectée par aucun facteur sociodémographique, lié au style de vie ou à la santé (consommation de cigarettes, d’alcool, maladies chroniques, indice de masse corporelle, etc.). D’autres variables comme l’origine ethnique, l’âge, l’éducation, la richesse ont été étudiées ; mais là encore, aucune ne remet en cause la relation, de même que la distinction entre les cadres, les employés et les ouvriers.
Dans la mesure où d’autres études sont nécessaires (et notamment des essais contrôlés randomisés), C. Wu n’affirme pas pour autant que travailler plus longtemps allonge nécessairement la durée de vie. Ce n’est d’ailleurs pas le message principal que le chercheur souhaite mettre en avant. Il préfère plutôt que les gens s’interrogent sur les bénéfices du travail qui pourrait ralentir le déclin physique et cognitif. Lorsque nous travaillons, nous sommes actifs, nous conversons avec nos collègues, etc. Retraité(e), la perte de ces avantages sociaux peut être difficile à gérer.
Le chercheur met également en avant le rôle des normes culturelles et institutionnelles sur la décision du moment de la retraite. Selon lui : « des personnes peuvent se sentir plus heureuses si elles prennent leur retraite à un âge conforme à ce que la culture du pays attend ». Il cite l’exemple des Etats-Unis où « la retraite différée peut être culturellement souhaitable », dans la mesure où le travail, dans ce pays, est très apprécié. Pour autant, dans les cas où le travail est un facteur de stress important, C. Wu indique que partir plus tôt pourrait être bénéfique, tout en précisant que la retraite peut, elle-aussi, être stressante. Une des solutions serait peut-être de permettre une transition plus lente vers la retraite (travailler à temps partiel ou exercer d’autres activités) pour que les personnes puissent rester actives et socialement engagées, ce qui serait profitable à leur santé.
Source : Interview de Chenkai Wu, « Defend your research - You’re likely to live longer if you retire after 65 », in Harvard Business Review, oct.2016