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Vous reprendrez-bien une tasse de café ?

Le Billet du Neurologue - Dr Bernard CROISILE

Le café ne cesse de focaliser l’intérêt des scientifiques, sans qu’on ne sache plus très bien s’il faut privilégier ses bienfaits ou craindre ses inconvénients. J’avais déjà écrit en 2016 un billet sur le café, mais je me sens obligé de reprendre la plume, en dépit de mon dégoût tenace pour cette boisson au goût amer, à l’odeur incommodante et à la couleur indéfinissable. Il est vrai, qu’en tant que neurologue, je ne peux qu’être ému par la phrase de Brillat-Savarin « Il est hors de doute que le café porte une grande excitation dans les puissances cérébrales. »

Huit tasses de café noir
Le 17 mars 1942, le lieutenant Frank Bostrom but huit tasses de café noir avant de faire décoller son B-17 qui amena le général américain Douglas MacArthur de l’île de Mindanao (Philippines) à Batchelor Field en Australie.
Très certainement, la caféine devait empêcher le pilote de dormir, mais Brillat-Savarin soulignait déjà que cette évidence ne s’observait pas chez tout le monde. Si l’on a bien compris que la caféine dérègle les circuits impliqués dans la régulation du sommeil, la sensibilité n’est pas la même chez tout le monde. En effet, il existe deux catégories de personnes, celles que le café empêche de dormir, et celles sans la moindre répercussion sur leur sommeil.
Intuitivement, on suspecte une explication génétique, ce qui a été vérifié récemment. Les personnes plus sensibles à la caféine possèdent une forme particulière d’un certain gène qui bloquera plus intensément les récepteurs A2A de l’adénosine déclencheurs de l’endormissement, on constate d’ailleurs une augmentation de 20 % de l’activité électrique cérébrale associée à l’éveil, au stress ou à l’insomnie.
A cette inégale sensibilité sur le sommeil, s’ajoute une différence au niveau du métabolisme de la caféine contrôlé par six gènes selon des interactions complexes qui, d’une certaine façon, détermineront la consommation individuelle de café. Les buveurs qui expriment beaucoup le gène PDSS2, consomment moins de café car ils dégradent plus lentement la caféine et en ressentent plus longtemps les bénéfices, contrairement aux personnes ayant un niveau plus faible de PDSS2 qui auront besoin de boire plus de tasses de café pour obtenir le même effet. Ce qui signifie, que pour une même tasse de café, ceux qui expriment peu le gène PDSS2 seront considérablement plus éveillés que les autres qui pourront même avoir l’impression de ne subir aucun effet du café. A votre avis, quel était le niveau du gène PDSS2 chez Balzac qui avait besoin quotidiennement de 50 tasses de café pour travailler 18 heures par jour ?

Le café « protège » de la maladie d’Alzheimer
Dans mon billet précédent sur le café en 2016, j’évoquais que la prise prolongée de café semblerait prévenir le déclin cognitif physiologique lié à l’âge mais aussi réduire le risque de développer un AVC, une maladie de Parkinson ou une maladie d’Alzheimer, au point d’extrapoler de ces travaux chez l’animal que consommer deux à quatre tasses de café par jour réduirait le risque de développer une maladie d’Alzheimer. En outre, il semble que la caféine puisse avoir un effet cognitif bénéfique chez les patients. La messe semblait dite, et tout mon entourage s’est acheté une cafetière, sauf moi, restant cramponné à mes différentes théières (car si le buveur de café n’a qu’une seule cafetière, l’amateur de thé est collectionneur de théières et de Tea Caddies), mais devant boire deux fois plus de tasses de thé pour avoir le même effet qu’avec le café.

Sauf que…
Un jour je suis tombé sur ce titre effrayant « Boire trop de café augmenterait les symptômes liés à la maladie d’Alzheimer ». Résumant un travail hispano-suédois, les articles parus dans la Presse grand public étaient plutôt inquiétants pour les non-avertis : le café pourrait aggraver les symptômes neuropsychiatriques des personnes souffrant d’une maladie d’Alzheimer. La lecture attentive du travail publié s’est révélée moins alarmante. Il s’agissait tout d’abord d’une étude chez des souris chez lesquelles l’on créait une maladie d’Alzheimer (ce qui peut toujours réduire la portée des conclusions à inférer chez les humains) et que l’on soumettait à des doses chroniques de caféine correspondant à trois tasses par jour. Selon les résultats, il a été observé chez ces souris une augmentation de la néophobie (c’est-à-dire la peur de la nouveauté) et une accentuation de certains comportements liés à l’anxiété. En fait, les résultats parfois contradictoires de ce travail sont assez complexes à analyser, en tout cas, rien à mon sens ne justifie de suspendre immédiatement la consommation de café chez les patients.
Ma recommandation est toutefois double : buvez du café pour retarder l’arrivée de la maladie d’Alzheimer, mais dès que celle-ci est installée, buvez-en moins afin d’être moins anxieux.

Finalement, que penser ?
Le monde médical est coutumier de ces travaux qui se contredisent successivement, au point qu’il devient impossible de savoir ce qu’il faut faire en termes de nutrition, de sport, d’hygiène de vie. En fait, tout dépend de l’angle d’analyse, toutes choses n’étant jamais égales par ailleurs. Si pour les neuroscientistes, boire un ou deux verres de vin serait « protecteur » du risque de démence, les gastro-entérologues et les cancérologues exigent l’abstinence la plus totale face aux risques de cirrhose et de cancer. La surabondance de messages contradictoires, l’impression que notre vie va perdre toute saveur si on les écoute tous, le sentiment qu’il nous faudrait vivre dans un bloc de plexiglas loin de toutes tentations, tout ceci ne rend pas facile la vie actuelle.
On comprend mieux le prince de Talleyrand-Périgord qui définissait les aspects ambigus du café : « noir comme le diable, chaud comme l’enfer, pur comme un ange, doux comme l’amour. » Chacun y trouve son compte, mais je reste attaché au thé et je ne lis surtout pas le moindre article scientifique le concernant… Quitte à mourir, autant conserver le plaisir que me procure quotidiennement a nice cup of tea.


Pour en savoir plus :
Bernard Croisile. Alzheimer : que savoir, que craindre, qu’espérer ? Éditions Odile Jacob (2014).
James P. Duffy. War at the End of the World. Douglas MacArthur and the Forgotten Fight for New Guinea, 1942-1945. Nal Caliber (2016), page 63.
Fabien Goubet. Inégaux devant le café. La Recherche, juillet-août 2011, pages 74-75.
Nicola Pirastu et al. Non-additive genome-wide association scan reveals a new gene associated with habitual coffee consumption. Scientific Reports, 2016, Aug 25, vol 6, 31590.
Raquel Baeta-Corral et al. Long-term Treatment with Low-Dose Caffeine Worsens BPSD-Like Profile in 3xTg-AD Mice Model of Alzheimer’s Disease and Affects Mice with Normal Aging. Frontiers in pharmacology, 2018 Feb 15; 9: 79.

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