Comment devenir un athlète de la mémoire ?

Afin de mieux connaître les caractéristiques du cerveau des personnes aux très hautes compétences mnésiques, l’équipe de recherche, dirigée par Martin Dresler (du Centre médical de l’Université de Radboud, Pays-Bas) a décidé d’étudier celui des 23 meilleurs participants aux Championnats du Monde de mémoire, une compétition annuelle. Ces athlètes étaient âgés de 28 ans en moyenne, avec parmi eux, 9 femmes. Les chercheurs ont utilisé l’IRM pour étudier l’anatomie de leur cerveau « au repos », puis lorsque les sujets étaient soumis à des tâches mémorielles. Les données recueillies ont été comparées à celles d’un groupe témoin apparié. Chaque participant devait mémoriser 72 mots et les rappeler 20 minutes plus tard. Les résultats sont évidemment en faveur des champions de la discipline, puisqu’ils ont en moyenne étaient capables de rappeler 70.8 mots contre 39.9 pour les sujets témoins.
Etonnamment, ni l’anatomie de leur cerveau, ni leurs performances cognitives générales ne semblent expliquer les prouesses mémorielles des athlètes de la mémoire. En revanche, les IRM indiquent que chez eux, la connectivité entre plusieurs régions du cerveau liées à la mémoire est plus grande. Les champions, eux, attribuent leurs compétences à des stratégies mnémotechniques bien développées, notamment la méthode des loci (associer une idée à un lieu qui vous est familier et que vous visualisez mentalement).
Contrairement aux nombreuses études comportementales sur l’efficacité des stratégies mnémotechniques, celles sur les modifications cérébrales sous-jacentes sont plus rares. Par conséquent, l’équipe de chercheurs a décidé de comparer les cerveaux des athlètes de la mémoire à ceux de 51 participants (âgés de 24 ans en moyenne, tous des hommes sans aucune expérience préalable dans les stratégies mnémotechniques) qui ont suivi un entraînement pendant 6 semaines. Durant cette période, chacun a passé deux sessions IRMf, durant lesquelles ils ont effectué un test de mémoire (72 mots à rappeler). Entre ces deux sessions, ils ont suivi un entraînement (30 minutes par jour pendant 40 jours) pour améliorer leurs capacités mémorielles avec la méthode des loci. A la fin de la période de formation, les participants ont à nouveau été soumis à la même tâche de mémorisation de 72 nouveaux mots.
Les résultats sont étonnants. En effet, les chercheurs ont observé que les performances des sujets avaient considérablement augmenté (62 mots rappelés en moyenne contre 26, avant l’entraînement). Et 4 mois après l’achèvement de la formation, celles-ci sont restées au même niveau. Par ailleurs, les connexions de leur cerveau, lors de cette tâche de mémorisation, sont devenues semblables à celles observées chez les champions.
Si cette étude mérite d’être réalisée sur un échantillon plus large, elle vient déjà apporter une preuve supplémentaire de la possibilité d’améliorer significativement sa mémoire, grâce à des exercices d’entraînement.
Source : Martin Dresler, William R. Shirer, Boris N. Konrad, ..., Guille´ n Ferna´ ndez, Michael Czisch, Michael D. Greicius, « Mnemonic Training Reshapes Brain Networks to Support Superior Memory », in Neuron 93, mars 2017.