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La loi du fond du tiroir

Dans La Communauté de l’Anneau, 1er volume du Seigneur des Anneaux, J.R.R. Tolkien fait écrire par le magicien Gandalf au Hobbit Frodon : « J’espère que Poiredebeurré enverra ceci promptement. C’est un digne homme, mais sa mémoire ressemble à un débarras : ce dont on a besoin est toujours enfoui. » Pour ceux qui ne le savent pas, Prosper Poiredebeurré est l’aubergiste du Poney Fringant à Bree. Mon propos d’aujourd’hui ne sera pas celui de sa mémoire mais celui du débarras, car il concerne cette situation exaspérante que j’appellerai La loi du fond du tiroir: ce qu’on cherche est TOUJOURS au fond du tiroir (ou du débarras pour Tolkien) !

Ces situations exaspérantes
Je suis sûr qu’il vous arrive souvent, alors que vous cherchez une clé, de découvrir que c’est la dernière du trousseau, ou bien de toujours tomber sur la caisse la plus lente du supermarché, ou encore de découvrir que le dossier que vous cherchez est systématiquement au fond du tiroir, ou dans celui du bas, voire au fond du tiroir du bas. La première fois, vous accusez le hasard, la seconde fois vous évoquez une coïncidence (qui est une manifestation plus élaborée du hasard), mais quand cela se répète et que chacune de vos actions subit toujours la pire option, vous concluez qu’une malédiction inéluctable et cruelle transforme votre vie en enfer.
Le hasard est un accident imprévu, un incident inattendu, alors qu’une coïncidence est la rencontre fortuite de deux évènements qui n’avaient que peu de chance de survenir simultanément. Un hasard, c’est quand vous avez un accident de voiture, une coïncidence c’est lorsque votre conjoint a un accident de voiture le même jour que vous. Voici quelques exemples de coïncidences : Shakespeare est né et mort un 23 avril ; l’écrivain Mark Twain est né et mort le jour du passage de la comète de Halley à 75 ans d’intervalle ; lors de la 4ème croisade, les croisés se sont emparés de Constantinople le 12 avril 1204.
En rédigeant ce texte, je me suis demandé si je n’aurais pas une coïncidence personnelle récente à raconter, or je vous jure qu’en trente minutes il m’est arrivé un truc incroyable. C’était le 22 juillet, c’est-à-dire le jour anniversaire du Prince George, l’arrière-petit-fils de la reine Elizabeth II. Les réseaux sociaux montraient une photo de lui assis sur une Land Rover Defender, en souvenir du prince Philip, son arrière-grand-père récemment décédé à 99 ans, et grand amateur de Land Rover Defender. Une demi-heure plus tard, je sortais et tombais sur une Land Rover Defender garée dans la rue à 400 m de chez moi…
Or, si la survenue inattendue d’un fait isolé correspond au hasard et si une coïncidence est le synchronisme accidentel de deux faits, comment interpréter la répétition d’un fait tel que la découverte systématique, au fond des tiroirs, des dossiers que vous cherchez ? Une telle répétition devient troublante, dépasse le simple registre des coïncidences, et mérite donc une explication cognitive.

Heuristiques de jugement
Dans un environnement submergé d’informations et dans lequel tout va très vite, notre cerveau a mis au point des techniques rapides de raisonnement qui lui permettent d’économiser du temps et de l’énergie mentale. Ces heuristiques sont des raisonnements approximatifs qui évitent de prendre en considération la totalité des paramètres d’une situation ou d’un problème : sans aboutir à une solution optimale, elles permettent rapidement des jugements, des prédictions, des estimations, des prises de décision. Ces raccourcis cognitifs mènent à des jugements raisonnables mais conduisent parfois à des biais, des erreurs ou des interprétations erronées.

Les biais cognitifs de confirmation d’hypothèse
Les biais cognitifs correspondent à des distorsions de la pensée par rapport à la réalité conduisant à des décisions irrationnelles. Notre pensée est en effet influencée par de multiples biais, égocentrique, rétrospectif, de disponibilité, de statu quo… dont le plus fréquent est le biais de confirmation d’hypothèse.
Les biais de confirmation résultent soit d’une analyse biaisée des informations perçues, soit d’un rappel sélectif de savoirs mémorisés, soit d’un rejet des hypothèses défavorables. Ceci nous fait préférer ce qui confirme nos convictions tout en ignorant, écartant ou rejetant les alternatives non souhaitées, les options non désirables, les arguments désagréables. Que ne ferait pas notre cognition pour ne pas nous désavouer ? Dans certains cas, l’existence d’arguments contradictoires puissants ne suffit même pas à nous convaincre de notre erreur. Confrontés à plusieurs arguments, nous privilégions inconsciemment ceux qui confortent notre conviction préalable ou nos idées préconçues, en écartant les arguments en défaveur de nos conceptions.
Pour revenir à notre propos initial des objets toujours rangés au fond du tiroir, face à une coïncidence qui se répète, notre conclusion relève peut-être d’un biais de confirmation par mémorisation sélective de l’énervement vécu lors de ces coïncidences.

Comment interpréter la loi du fond du tiroir ?
Combien de fois cherchez-vous un dossier ? Des centaines de fois ! Quand ils sont retrouvés « facilement » ou « immédiatement », rien n’éveille de réaction de joie, ni de surprise, ni d’énervement, et donc aucune trace émotionnelle particulière ne sera enregistrée face à la banalité de ces situations. En revanche, vous êtes un peu énervés lorsque cet objet est retrouvé au fond du tiroir, ce qui arrivera statistiquement plusieurs fois. La trace mnésique de ces quelques énervements sera plus forte face à l’absence de trace émotionnelle positive des situations « normales ». De ce fait, ne resteront présents de manière consciente dans votre esprit que ces énervements associés aux quelques situations défavorables du fond du tiroir. Quand vous retrouvez une nouvelle fois un dossier au fond du tiroir, ceci ne réveille en vous que le souvenir des rares fois où vous avez perdu patience en trouvant vos dossiers au fond du tiroir. De là, la conclusion erronée de subir une insupportable malédiction…

Pour en savoir plus :
Bernard Croisile. Tout sur la mémoire. Éditions Odile Jacob (2009).
Daniel Kahneman. Système 1/Système 2 : Les deux vitesses de la pensée. Éditions Flammarion (2012).
John Ronald Reul Tolkien. La Communauté de l'Anneau, volume 1 du Seigneur des Anneaux.

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