Pourquoi faut-il se parler à soi-même ?

L’habitude de se parler à soi-même commence dès l’enfance avec ce que Piaget a nommé le langage « égocentrique », et qui a fait l’objet d’un débat avec Vygotski. Ce dernier affirme, à la différence du premier, que ce langage « égocentrique » ne régresse pas au fil des ans, mais progresse qualitativement parlant. Il présenterait ainsi plusieurs fonctions en rapport avec l’activité intellectuelle de l’enfant : abstraction, attention-concentration, mémoire, planification, régulation du mouvement, prise de position face à l’incertitude, etc. L’enfant qui cesse de compter sur ses doigts pour passer au calcul mental en serait un bon exemple. De façon moins polémique, les psychologues parlent de langage privé lorsque, enfant, on parle tout haut en jouant avec une poupée, des petites voitures ou autres jouets et qu’on se raconte des histoires. A partir de l’adolescence, cette pratique du discours intérieur audible tendrait à diminuer, même si des études ont montré qu’encore beaucoup d’adultes continueraient à le faire occasionnellement.
Ce qui ne s’atténue pas, en revanche, c’est la parole intérieure. D’ailleurs, elle occuperait presque un quart de notre vie consciente. A l’inverse de la pensée de type « photographique » (je visualise la scène du théâtre sur laquelle je vais me produire ou j’imagine ce que donnerait ce luminaire dans mon salon), la parole intérieure, comme son nom l’indique, s’exprime par le langage : « J’espère que la salle va être remplie ce soir » ou « Est-ce que ce lustre irait dans le salon ? ». C’est évidemment une activité consciente, ce qui signifie que je peux, par exemple, la reformuler : « Ah je me demande quand même si ça va aller avec la couleur des rideaux … ». Mais cette parole intérieure est également présente pendant qu’un collègue vous parle et que vous êtes en train d’élaborer vos réponses, de choisir les plus appropriées. Cette parole intérieure nous aide ainsi à structurer notre pensée.
Dans son article, publié dans Cerveau et Psycho n°72 (nov.-déc. 2015), l’auteur précise que, tout comme elles le sont du point de vue des réseaux neuronaux, il faudrait encore distinguer la parole intérieure volontaire, orientée vers un but précis, avec une focalisation sur la tâche (« Allez, tu peux le battre ! ») de la parole intérieure « vagabonde », qui intervient de manière spontanée et fugace, au moment où nous nous endormons, par exemple.
Le psychologue Charles Fernyhough, de l’université de Durham en Angleterre, indique que nous recourons à la parole intérieure quotidiennement pour lire, écrire, compter, nous motiver, préparer nos actions futures. En résumé, se parler à soi-même est naturel, canalise nos émotions et améliore nos capacités.
Source : http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/a/article-les-avantages-de-se-parler-a-soi-meme-36086.php