Pourquoi une chanson entêtante peut-elle plaire ou déplaire ?

Autrement nommé « le syndrome de la chanson coincée » ou plus formellement « imagerie musicale involontaire » (INMI), avoir une musique en boucle dans la tête est un fait qui apparaît spontanément et sans contrôle conscient. Ce phénomène cognitif très répandu dans la population est généralement déclenché par une exposition musicale récente, mais aussi influencé par notre humeur du moment. Pour les uns, ces INMI représentent un véritable calvaire ; pour les autres, au contraire, ils sont plutôt agréables. Pourquoi ce ressenti différent ? L’étude, publiée dans la revue Consciousness and Cognition, apporte une réponse.
Afin d’éclairer ces différences individuelles d’appréciation, les chercheurs ont essayé de mieux comprendre les bases neuronales des INMI. Ils ont demandé à 44 participants, âgés de 25 à 70 ans (23 femmes ; 70% des sujets ont entre 20 et 40 ans), de remplir un sondage en ligne pour évaluer la fréquence d’apparition des épisodes d’INMI, leur durée, les émotions qu’ils suscitent ou encore leurs effets sur leur concentration. Les données issues de cette enquête ont ensuite été comparées aux mesures de l’épaisseur du cortex cérébral et du volume de matière grise auxquelles ont été soumis les participants (par IRM structurelle).
Les résultats indiquent que les sujets, chez qui les INMI se produisent le plus fréquemment, ont une épaisseur corticale réduite dans deux zones de chaque hémisphère cérébral : le gyrus temporal transverse (impliqué dans la perception et l’interprétation des sons) et le gyrus frontal inférieur (impliqué dans le processus de mémorisation verbale). Du reste, ce fait est indépendant du vieillissement cérébral, puisqu’il a été constaté chez les participants les plus jeunes (âgés de moins de 40 ans). Autre observation étonnante : les sujets, qui trouvent les INMI désagréables, présentent davantage de matière grise dans le lobe temporal droit que les sujets qui les jugent plaisants. Cette zone est liée à l’audition mais aussi à la mémoire affective. Des variations de volume de matière grise ont également été constatées dans le gyrus parahippocampique (impliqué dans la mémorisation) chez les participants qui considèrent les INMI comme une aide à la concentration ou à la réalisation d’une tâche bien spécifique.
Ainsi, la structure même du cerveau influencerait la fréquence des INMI. Quant à savoir s’il y a des chansons plus « à risques » que d’autres, Nicolas Farrugia, co-auteur de l’étude, explique que les titres varient énormément en fonction des personnes. Enfin, si vous voulez une astuce pour vous débarrasser d’un « vers d’oreille », sachez que dans une étude publiée en avril 2015 dans la revue The Quartely Journal of Experimental Psychology, des chercheurs anglais, même s’ils n’en font pas un remède miracle, suggèrent de … mâcher un chewing gum !
Source : N. Farrugia, K. Jakubowski, R. Cusack & L. Stewart, Tunes stuck in your brain : the frequency and effective evaluation of involuntary musical imagery correlate with cortical structure, in Consciousness and Cognition, vol.35, sept.2015.